LA STRUCTURE ARCHÉOASTRONOMIQUE DE LA CHAPELLE DES LIONS ET DES RHINOCÉROS DE CHAUVET PAR RAPPORT À CELLE DU CERCLE DE NABTA PLAYA ET À LA CHAMBRE DE LA REINE
À Laura, seule lumière
pendant les années sombres.
Quelquefois je vois au ciel des plages sans fin
couvertes de blanches nations en joie.
Un grand vaisseau d’or, au-dessus de moi,
agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin.
A. Rimbaud
1.
Peut-être le point de départ le plus utile pour commencer notre recherche est constitué par l’examen de structures sacrées récentes et encore relativement proches de notre façon de voir le monde, comme la voûte des basiliques et des baptistères byzantins ou celle des cathédrales du baroque. Dans ce type de structures aujourd’hui on entre par une petite porte – réalisée dans une entrée monumentale, qui de nos jours reste presque toujours fermée – puis, après un parcours rectiligne plus ou moins long, on arrive jusqu’à une voûte qui domine l’autel, où est représenté le ciel. Bien sûr, l’image du ciel que l’on peut contempler ne coïncide pas du tout avec les représentations astronomiques modernes, qui le voient comme un espace illimité sans centre, en rapide expansion, où le cas a éparpillé des amas de gaz qui brûlent à des températures très élevées, qui peut-être seulement par tradition on appelle encore « étoiles ».
Au contraire, à l’époque où ces voûtes ont été construites, l’espace avait encore un centre et une structure de cieux (ou, pour mieux dire, de « sphères ») qui tournaient autour. Le plus haut des cieux, qui généralement est représenté dans les voûtes, était pensé comme une sorte de moteur immobile, qui faisait tourner ceux qui étaient au-dessous. On pensait que dans ce ciel habitaient des entités divines ou divinisées (les trois Personnes de la Trinité, les Évangélistes, les saints, bienheureux, anges et archanges), qui dans les voûtes byzantines et baroques s’offrent à la contemplation pleine d’espoir de celui qui, encore en vie, essaye d’entrer en contact spirituel avec cette éternité dans laquelle il voit son futur bonheur après le bref et pénible passage de cette vie terrestre.
Dans ce genre de structures sacrées, la splendeur du divin et de la vie éternelle est très souvent soulignée par l’abondance de l’or et de la dorure de toutes sortes, au point que l’or semble être une substance divine, d’où les personnages émergent comme par enchantement, tout en restant profondément imprégnés de cet or et presque confondus en lui (dans la statuaire de l’Ancienne Égypte on peut noter une intention esthétique similaire, même si la matière est différente de l’or : en fait, il arrive assez souvent que les images sculptées dans la pierre restent en partie confondues avec elle ; ce qui semble un indice que cette substance divine qui dans l’art byzantin et baroque est représentée par l’or, dans l’architecture et la sculpture sacrées de l’Ancienne Égypte était représentée par la pierre).
Dans les basiliques byzantines et dans les cathédrales baroques la dominance de l’or était un effet esthétique qui assez souvent était renforcé par une sorte de vitrail qui, en laissant filtrer une lumière blanc-jaunâtre et/ou brune, incline encore plus l’œil – pour ainsi dire – à pétrir gestaltiquement les formes et les couleurs avec l’or et les dorures. Même aujourd’hui, alors que les lieux sacrés sont conservés en bon état et l’éclairage adopté reste comme l’original, cet effet peut être encore contemplé en toute sa profondeur esthétique, religieuse et métaphysique.
2.
Il est bien évident que le ciel représenté dans les voûtes byzantines ou baroques n’a aucune relation avec la façon « réaliste » dans laquelle le voit n’importe quelle personne occidentale moderne – homme de science ou personne de culture moyenne. Et cependant il n’a non plus, au moins en apparence, aucun rapport avec la manière dont il était vu par les cultures anciennes ou très anciennes, comme les anciens Égyptiens, les Babyloniens ou les Mayas, c’est-à-dire des peuples qui, tout comme les chrétiens de l’époque byzantine et baroque, voyaient dans le ciel le siège du divin.
Nous pouvons déceler une première et tout à fait évidente différence dans le fait que ces peuples concevaient le monde divin comme composé d’une multiplicité de dieux et non pas d’un seul Dieu. Mais cette différence apparaît vraiment négligeable par rapport à une autre qui semble beaucoup plus radicale et fondamentale. En fait, ces anciennes cultures concevaient les entités célestes qui se peuvent observer dans le ciel nocturne et diurne – et donc le soleil, la lune, les étoiles et les planètes – comme divinités dans un sens absolument littéral et réaliste. Aussi bien pour les Mayas que pour les Égyptiens, le Soleil, par exemple, ne devait pas être conçu comme un dieu dans un sens large et métaphorique, mais dans un sens immédiat et direct : voir le soleil était littéralement voir la divinité. La même chose s’appliquait à n’importe quel autre corps céleste divinisé : étoile, constellation, lune ou planète.
Pour prendre un autre exemple qui est étroitement lié à l’objet de cet article : les anciens Égyptiens considéraient la constellation d’Orion littéralement comme Osiris, le dieu de la mort et de la résurrection. À aucun prêtre-astronome de l’époque ne serait jamais venu à l’esprit de penser ce qu’aujourd’hui pensent tous les astronomes et les personnes de l’Occident de culture moyenne, c’est-à-dire que cette constellation comme toutes les autres n’est rien de plus qu’un groupe d’étoiles plus ou moins arbitrairement et conventionnellement séparé des autres pour donner un ordre quelconque au chaos du ciel étoilé, où à première vue il semble tout à fait impossible de s’orienter et où il est très difficile de distinguer une entité d’une autre.
Cette divinisation immédiate des corps célestes à un chrétien de l’époque byzantine semblait probablement un blasphème épouvantable (prendre la créature pour le Créateur). Au lieu de cela, à l’époque baroque, bien plus que comme une menace pour les vérités de la foi et de la raison, une croyance de ce genre aurait pu être considérée seulement comme une folie digne d’un esprit barbare, le résultat ou d’une irrécupérable retard ou d’une véritable infériorité raciale (les Indiens de l’Amérique du sud adorateurs du soleil ont été jugés sans âme et réduits en esclavage avec le même naturel et bonne conscience avec lesquels le faisaient les Grecs avec les prisonniers de guerre : selon toute probabilité, leurs croyances religieuses, leurs rites et idoles étaient considérés comme un signe de leur plus grande proximité au monde animal et démoniaque des instincts plutôt qu’avec le monde humain).
De nos jours, peut-être, aucun scientifique n’oserait penser, et encore moins écrire, que les peuples que nous appelons « primitifs » sont dépourvus d’âme. Mais il ne fait aucun doute que, ne disons pas un homme de science, mais même seulement un homme moderne de culture moyenne, s’il parle avec toute sincérité, ne juge comme superstition n’importe quel type de croyance sur les étoiles et les planètes qui les trouve être autre chose qu’une masse chaotique de substances chimiques. Parmi les astronomes il y a sans aucun doute des chrétiens fervents, mais eux aussi, au regard de la nature du ciel et de l’univers, ont changé radicalement d’opinion par rapport à leurs coreligionnaires d’il y a quelques siècles.
En effet, si nous prenons Dante et sa « Divine Comédie » comme un exemple de l’ancienne cosmologie chrétienne, nous voyons que, au regard de ce temps-là, les choses sont aujourd’hui beaucoup changées. De nos jours Dieu et le monde divin par la théologie ne sont pas placés dans une zone de l’espace au-delà des étoiles fixes et, en général, l’au-delà est considéré comme un milieu purement spirituel, totalement et absolument transcendant. Et même si on parle d’un espace divin, il s’agit toujours d’un espace radicalement « autre », pour ainsi dire, d’un espace hors de l’espace. Bien sûr, il ne s’agit pas de la continuation de celui dans lequel nous nous déplaçons tous les jours, qui a été radicalement et entièrement « laïcisé » par la science moderne. Dans cet espace, où tout est mesurable et calculable, il ne peut y avoir aucun lieu privilégié où l’on puisse légitimement placer les Trois Personnes de la Trinité, les anges et les archanges, les saints et les bienheureux ; et la cosmologie scientifique – entièrement partagée par l’Église catholique qui avec Jean Paul II a jugé l’idée du « Big Bang » en ligne avec le récit de la Genèse – exclut à priori que la Terre ou n’importe quel autre lieu dans l’espace puisse être considéré comme centre de l’univers. Mais, si on exclut le centre, inévitablement on doit exclure aussi toutes ces sphères célestes qui autrefois on voyait tourner autour de lui, y compris celle des étoiles fixes, au-dessus de laquelle habituellement on plaçait Dieu et toutes les créatures proches de lui.
3.
Si on adopte une perspective évolutionniste, il est tout à fait spontané que l’on attribue au « sauvage », ou à l’homme qui vient de sortir de son « état naturel », la croyance « naïve » que la Terre est le centre de l’univers et que le ciel est le siège de divinités, représentées comme animaux ou comme êtres mi-hommes et mi-animaux. Ces images étaient projetées sur le soleil, la lune, les planètes ou peut-être « inspirées » par des groupes d’étoiles qui d’une façon plus ou moins directe suggéraient leurs formes, réelles ou imaginaires.
Pourtant, même s’il part d’une connaissance tellement « primitive » du cosmos, l’homme lentement mais sûrement « évolue ». Tout en considérant encore la terre comme centre de l’univers, avec le paganisme de la Grèce classique on cesse pratiquement de concevoir comme divinités les entités que l’on voit dans le ciel. Ainsi, par exemple, ces mêmes dieux qu’autrefois étaient identifiés immédiatement avec les planètes, aux temps d’Aristote étaient devenus tout à fait semblables aux êtres humains, même si immortels et beaucoup plus puissants (à cet égard Aristote écrit que « autrefois on croyait que les dieux étaient des planètes »). L’endroit où ces dieux se réunissaient était à son tour proche et facile à atteindre, le sommet d’une montagne sacrée et non plus inaccessible, et ils étaient identifiés non pas avec des corps célestes mais avec des entités terrestres, naturelles ou artificielles (une source ou un arbre étaient considérés des divinités, de même qu’une porte ou un foyer : pratiquement il n’y avait aucune entité terrestre qui n’était considérée en quelque manière dieu).
Ainsi les entités célestes avaient déjà perdu une partie de cette énorme importance qu’elles avaient couvert dans le passé lointain de l’humanité. Ou mieux, si on parle du point de vue évolutionniste, nous pouvons considérer le paganisme de la Grèce classique comme le premier pas de l’humanité vers un radical abandon de la religion fondée sur l’adoration des corps et des cycles célestes, qui dans le passé a dû être absolument universelle.
Cependant avec le christianisme cette conception radicalement « humanisante » et donc panthéiste de la divinité introduite par le paganisme de la Grèce classique est abandonnée, et de cette façon le ciel revient à jouer un rôle important en tant que siège du divin. En fait, un Paradis situé au-delà de la sphère des étoiles fixes donne encore bien l’idée de la transcendance sans perdre le caractère concret nécessaire à un homme qui est supposé n’avoir pas encore assez « évolué » pour concevoir le divin dans une façon complètement spiritualisée. Mais ce regain d’intérêt du christianisme pour le ciel ne fait pas en sorte que le soleil, les étoiles, la lune et les planètes retrouvent une réelle importance théologique. Le Dieu un et trin est une entité spirituelle et transcendante qui est avant le monde et n’est pas née avec lui, comme il arrive dans les religions anciennes, qui semblent assez radicalement panthéistes.
Par exemple, dans la vision de l’Ancienne Égypte avant Atum – la divinité suprême – il y avait le Néant, et le mythe n’est pas clair si Atum a été créé par le même Néant, compris à son tour comme une divinité (comme il est dit dans le Tao, que le Néant engendra l’Être) on s’il paraît magiquement comme par autoproduction. Les autres dieux de l’Ennéade par contre sont produits par Atum, qui d’abord génère un couple de divinités, qui en engendrent d’autres et desquelles enfin vient l’homme (qui cependant n’a pas une place centrale dans la création, étant donné que les anciens Égyptiens pensaient qu’il y avait des animaux beaucoup plus près du divin que tout être humain, sauf le Pharaon ; un peu comme il arrive maintenant en Inde avec les vaches ou en d’autres parties de l’Asie avec les singes).
Au contraire, le Dieu du christianisme existe avant et indépendamment du cosmos, et s’il est vrai qu’il a créé le soleil, la lune, les étoiles et les planètes, ni lui ni aucun autre de ses anges peut s’identifier avec eux ou avec aucune autre créature immédiatement saisissable par les sens, sauf le Christ lui-même, dont l’existence dans le monde sous forme humaine n’a cependant été que 33 ans et qui, contrairement à celle de Dionysos, n’est pas susceptible de se répéter. En outre, pour le christianisme l’homme a une importance tout à fait centrale dans la création, et les corps célestes aux yeux de Dieu ont moins d’importance que l’homme. Dans l’Évangile, en fait, même le plus humble parmi les êtres humains se révèle créé avec une âme destinée à durer pour l’éternité, alors que le soleil, la lune, les étoiles et les planètes sont destinés à disparaître à la fin des temps.
Bien sûr, si on observe attentivement, on voit que dans les voûtes des églises byzantines et baroques restent encore des vagues traces de la vieille importance donnée aux corps célestes et aux calendriers connexes. Les douze Apôtres rappellent les douze mois de l’année et donc les douze signes du zodiaque ; la très-sainte Trinité rappelle les trois étoiles polaires ; et de différentes manières se manifeste le 7, claire allusion à la semaine lunaire (dans la Basilique de Saint Vital à Ravenne le Christ est représenté avec sept personnages à sa droite et sept à sa gauche : probablement il s’agit d’une allusion numérologique au cycle des phases lunaires).
Il faut également remarquer le fait que dans les représentations byzantines la Sainte Trinité renvoie presque automatiquement aux trois étoiles polaires. Les trois bâtons que les figures de l’image ci-dessous tiennent dans la main ne semblent autre chose que les axes polaires qui correspondent à chacune des trois étoiles qui, dans l’espace d’environ 26.000 années d’un Cycle de précession, se succèdent en tant que centre de rotation du ciel étoilé. Allusions à la précession semblent également apparaître dans l’icône qui représente Saint-Michel , dont la lance semble indiquer l’angle du pôle de la terre par rapport à l’écliptique . Il ne semble pas que nous pouvons expliquer d’autre manière les bras étendus de l’Archange et le demi-cercle au-dessus, sauf en tant que symbole de la trajectoire parcourue par le cercle du pôle de la Terre autour de l’axe de l’écliptique. De la même manière , nous pouvons expliquer l’angle particulier de la croix de Saint-André , qui correspond au chemin parcouru par la terre dans la moitié d’un cycle de précession
Mais, comme nous l’avons déjà vu, avec une ultérieure évolution de la pensée scientifique, toutes ses allusions à l’astronomie ancienne et à l’astrologie disparaissent complètement, et dans le christianisme moderne le ciel décrit par la physique est destiné à perdre aussi le rôle de siège, pour ainsi dire, géographique du Paradis. Ceci dans un certain sens semble évident. Dans un cosmos qui a perdu son centre, où chaque point équivaut à la manière cartésienne à n’importe quel autre, personne ne peut sérieusement théoriser que un lieu peut être le siège privilégié du divin.
En fait, en parlant de façon relativiste (bien sûr, ici nous parlons de la relativité de Einstein et non pas du relativisme culturel), chaque point d’observation vaut l’autre, et donc chaque étoile ou chaque galaxie est aussi bonne que n’importe quelle autre. Il est clair qu’à ce stade on ne peut plus placer Dieu spatialement « au plus haut des Cieux », si l’espace ne connaît ni le haut ni le bas ni aucun point d’orientation objective. Aujourd’hui, avec tout ce que nous savons au sujet de physique et d’astronomie, il nous semble absolument incroyable que pendant un nombre indéterminé des milliers d’années les êtres humains aient considéré comme absolument évident que la terre était au centre de l’univers et que les entités célestes étaient considérées même comme divinités. La question que nous voulons aborder dans cet article est exactement la suivante : pendant combien des millénaires a continué cette croyance ? ou : depuis combien de millénaires existe-t-elle ? depuis combien de temps et pour combien de temps astronomie et théologie ont été des connaissances complémentaires ou presque des synonymes ?
4.
Comme le lecteur l’aura deviné par le titre même de cet article, la thèse que nous affirmons est radicale. Avec ce travail nous voulons montrer que l’astronomie mathématisée, conçue comme contemplation du divin, a été en cours pendant au moins plusieurs dizaines de milliers d’années et que, à ce moment, nous ne sommes même pas en mesure de supposer le point de départ de cette tradition. Plus en détail, notre thèse est que déjà à l’époque de Chauvet, c’est-à-dire autour de 30-32.000 av. J.C., soit l’horizon nocturne que l’horizon diurne étaient soigneusement scrutés et soigneusement (c’est-à-dire géométriquement) décrits et que cela a été fait depuis plusieurs milliers d’années ; de sorte que, même alors, on était pleinement conscients des changements cycliques du ciel nocturne connexes avec la précession des équinoxes. Encore plus en particulier, le but de cet article est de montrer que ce qu’on appelle « la Chapelle des Lions et de Rhinocéros » a un sens astronomique-théologique – pour ainsi dire – égal et opposé à celui de la Chambre de la Reine, qui est à l’intérieur de la Grande Pyramide de Gizeh.
Le premier pas qui convient faire pour procéder dans l’analyse consiste à examiner dans quel point des carrières se trouve et comment est orienté ce très ancien site, peut-être une des plus grandioses expressions picturales que la culture paléolithique nous a laissée en héritage.
Comme on peut le voir, la Chapelle des Lions et des Rhinocéros, qui dans ce petit plan est appelée « End Chamber », est située à l’extrémité nord du complexe des carrières qui prend le nom de son découvreur, Jean-Marie Chauvet. La première chose à remarquer est un fait tout à fait évident, tellement évident qu’il est généralement omis par ceux qui s’occupent de sites comme celui-ci, c’est-à-dire le fait d’avancer dans les entrailles de la terre par presque de cinq cents mètres est une entreprise d’une certaine taille même pour un moderne spéléologue, équipé de pied en cap. Aujourd’hui les très peu de visiteurs qui sont admis peuvent accéder à la caverne par des parcours artificiels et à l’aide de l’éclairage électrique, avec la certitude de ne pas perdre l’orientation et de ne pas faire de mauvaises rencontres. Pourtant, même de cette façon, pénétrer dans ces entrailles rocheuses est décrit comme une expérience qui peut se révéler très perturbante, sinon effrayante. Ainsi, il est facile d’imaginer que si on y entre sans les appropriés soutiens offerts par la technologie moderne l’exploit déjà en soi aurait dû être digne de mention, au-delà de la magnificence des peintures qui plus tard ont été exécutées.
En effet, il faut se rappeler qu’à cette époque les carrières comme telles représentaient sans doute un danger et par surcroit étaient certainement fréquentées par des ours et vraisemblablement par des lions des cavernes, adversaires formidables partout, mais particulièrement menaçants dans un environnement de ce genre. En effet, lors d’un éventuel combat ces prédateurs et d’autres similaires, sur le terrain glissant et parfois raide et inégal des carrières, avaient sur l’homme l’avantage majeur d’avoir le double de points d’appui : même dans des conditions difficiles comme celles-ci il est presque impossible pour un quadrupède perdre l’équilibre ; ce qui, au contraire, peut se produire très facilement pour un bipède. En outre, comme les ours et les lions ne devaient tenir en main les armes, elles ne pouvaient pas constituer un obstacle ni ils avaient peur de les perdre. Les conditions d’absolue obscurité donnaient un avantage supplémentaire à ces animaux, habitués à s’orienter avec ouïe et flair, tandis que l’homme, dont l’organe fondamental du sens est la vue, n’avait pas à disposition d’autre type d’éclairage que la lumière plutôt incertaine des torches.
Pour ces raisons, il n’y a personne de bon sens, et surtout un historien ou un anthropologue ou un paléontologue, qui puisse même seulement supposer que des êtres humains culturellement évolués se soient jetés dans une aventure tellement terrifiante sans avoir un but plus que sérieux. Le niveau esthétique des peintures qui ont été trouvées dans ces cavernes est si élevé que personne ne peut penser que ceux qui les ont réalisées étaient des « sauvages stupides », des inconscients qui s’avançaient dans ces abîmes mais n’avaient aucune idée des risques auxquels se confrontaient ; si, en revanche, ces risques ont été abordés, il nous faut nécessairement imaginer qu’il y avait en jeu un objectif qui pour eux était très important ou, pour mieux dire, « sacré ». Ceci est une idée très difficile pour un intellectuel moderne, car aujourd’hui nous sommes presque totalement incapables de croire qu’un être humain peut risquer la vie du corps pour des buts qui ont à voir avec la vie de l’esprit (un mot qui, dans la clameur de la consommation à outrance peut-être a perdu toute signification réelle, au moins au niveau collectif). Pourtant, nous n’avons qu’à penser à l’histoires des Croisades – qui n’est pas si loin – pour se rendre compte que ce qu’aujourd’hui semble une folie ou une exception tout à fait extraordinaire dans le passé était, au contraire, la plus évidente des règles.
Ces milliers de nobles de l’Europe du Nord qui ont fait milliers de kilomètres pour aller se battre avec sur eux plus d’une centaine de kilos de fer rouges d’un soleil qui facilement dépassait les cinquante degrés ne l’ont pas fait pour des fins qui aujourd’hui seraient jugées « raisonnables », c’est-à-dire pour une « utilité » (aussi parce que toute utilité devient inutile quand on est mort). Simplement il s’agissait de gens qui croyaient fermement que les terres qu’ils allaient conquérir étaient des terres sacrées et que leur sacralité devait être défendue avec les armes. Même les monuments les plus splendides que l’on trouve dans la tradition chrétienne ne sont pas nés pour des raisons qui ont à voir avec une quelconque utilité pratique. Par exemple, Place des Miracles à Pise, un vrai miracle de proportions et d’élaboration décorative et architecturale, n’a pas été voulue par les puissants du lieu pour confirmer de cette façon leur pouvoir (ceci est « le but raisonnable » souvent attribué à des monuments comme les Pyramides) : elle a été voulue par le peuple pour remercier Notre-Dame pour la victoire sur les Sarrasins.
En général, tout ce qui est beau, grand et important dans le monde actuel et dans le monde historique n’a pas beaucoup à voir avec quelque sorte d’ « utilité » ou avec des « raisons pratiques ». La gloire n’a jamais rien à faire avec l’utile, mais avec le divin, c’est-à-dire des croyances religieuses. Par exemple, la foi la plus commune de notre temps est la « foi dans le progrès » et c’est cette foi qui « explique » la production des gadgets électroniques ou des voitures de plus en plus puissantes et monstrueusement excessives par rapport aux besoins réels de ceux qui les achètent, et non pas leur « utilité » supposée (surtout si on pense que l’utilisation d’une moderne voiture au 50% de ses possibilités dans un contexte normal constitue un délit assez grave, qui dans certains cas peut conduire juste à la prison).
5.
Ainsi, on ne s’aventura pas au hasard dans les grottes de Chauvet et dans les autres qui plus tard ont été peintes, mais elles ont été sciemment et intentionnellement explorées. Dans leurs profondeurs on cherchait quelque chose. Mais : quoi ? Plutôt que de procéder par hypothèses fondées sur la mentalité de l’homme moderne, nous allons voir ce que ces personnes ont trouvé ou ce qu’elles ont cru trouver – ces personnes qui voyaient les entités célestes comme divinités – dans ce site qui a été appelé « Chapelle des Lions et des Rhinocéros ».
Quand on arrive, plus ou moins au centre de la pièce, il y a une saillie de la roche en forme de stalactite. Dans la petite carte ci-dessous elle est indiquée avec le nom « The Sorcerer » en raison de la figure qui y a été tracée et que nous analyserons plus tard en détail. Cet affleurement rocheux est situé en face d’une crypte entourée par des peintures plutôt énigmatiques, ce que dans l’image ci-dessous on appelle « Panel of Lions and Rhinos »
La figure que dans l’image ci-dessus est appelée « The Sorcerer » très fréquemment est aussi définie comme un Minotaure, puisque, comme l’on voit ci-dessous, si ses parties génitales semblent incontestablement celles d’une femme, il semble également certain qu’elles sont placées entre les jambes de ce qui peut sembler un taureau (ou, peut-être, un bison)
Si l’on regarde attentivement, on voit que la forme étrange que prend cette figure provient du fait que ce minotaure n’est pas représenté de front ou de profil, mais pendant qu’il se visse avec le buste autour de la pierre sur laquelle il est peint (ou plutôt, en regardant de plus près, on peut avoir l’impression que le Minotaure se visse sur lui-même ou, plus précisément encore, qu’il se tourne avec le buste autour de ses jambes postérieures et de ses organes génitaux). En effet, comme on peut le voir dans la série des trois photos, la patte gauche antérieure – que sans aucun doute on peut attribuer au Minotaure – est identique à l’autre au croisement de laquelle a été placé le sexe féminin, qui vraisemblablement devrait être situé entre les pattes postérieures. Ainsi dans cette peinture il semble qu’il y ait aussi cette autre bizarrerie ou ce paradoxe : que le sexe de la créature est représenté entre une patte postérieure qui est restée immobile et une antérieure qui, avec le buste, a tourné autour de la pierre.
Il semble que nous pouvons être sûrs que les deux jambes appartiennent au Minotaure, parce que dans la peinture on ne peut reconnaître d’autres figures animales ou humaines auxquelles soit possible les attribuer. En effet, le lion que l’on voit dans la photo à droite – qui semble aussi avoir quelque chose à voir avec le Minotaure – a les pattes antérieures correctement positionnées en dessous du cou (même si elles sont à peine esquissées). Par conséquent, la seule façon plausible d’interpréter cette figure semble celle-ci : que le Minotaure est représenté comme une entité qui est vissée ou sur elle-même ou autour de la pierre sur laquelle est peinte, tournant dans le sens antihoraire (en prenant comme point de référence la pointe de la pierre vue depuis le bas). À ce stade, tout archéoastronome aura entendu retentir des cordes familières, puisque précisément celui-ci est le sens de rotation de la précession des équinoxes. Nous sommes encouragés dans cette interprétation aussi par l’aspect de la pierre, qui surtout dans sa dernière partie a une forme décidément conique, de sorte qu’elle peut facilement être comparée à un fuseau, un objet qui a servi à plusieurs reprises comme métaphore mythique de la rotation de l’axe polaire (et donc aussi des étoiles polaires) autour d’un centre qui par contre reste inchangé, auquel ne correspond aucune étoile. Si on met à côté les images, la comparaison, qui à un niveau abstraitement intellectuel peut sembler absurde, du point de vue visuel résulte finalement même évident.
L’hypothèse que ce rocher avec la peinture du Minotaure représente le « fuseau » de la précession devient pratiquement obligatoire quand nous essayons de donner un sens aux lions et aux rhinocéros que l’on voit peints sur le côté gauche de la crypte, qui est située juste à l’ouest du Minotaure. En effet, les figures que l’on voit dans la photo panoramique plus bas, si on observe attentivement, ne semblent pas représenter une multiplicité d’animaux semblables, mais par contre un seul lion et un seul rhinocéros – cependant représentés en mouvement à travers une séquence de ce qu’aujourd’hui nous appellerions sans aucun doute des « photogrammes ».
6.
Essayons maintenant d’analyser le lion et le rhinocéros qui sont sur la gauche de la crypte. Leur trajectoire, du point de vue « naturaliste » semble très étrange, pour ne pas dire complètement absurde, mais par contre du point de vue astronomique semble plutôt familière. Si on regarde l’image ci-dessous on pourra avoir une idée plus claire de ce dont nous parlons
Le lion à gauche de la crypte, avec un peu d’imagination, pourrait être interprété comme un lion alors que soulève presque timidement sa tête. Par contre, le mouvement décrit par le rhinocéros ne semble pas naturel, comme totalement non naturelle apparaît également sa posture dans beaucoup des « photogrammes ». Ce rhinocéros – comme d’ailleurs toutes les autres figures qui peuvent être trouvées à Chauvet – paraît flotter sans pesanteur et sans point d’appui – presque comme un ballonnet des foires – dans un domaine qui ne semble certainement pas l’ordinaire. En outre, la séquence de ses positions fait en sorte qu’il semble comme « plonger » vers le bas en tournant sur sa partie arrière. Pour un rhino c’est certainement la chose la plus étrange, qui se révèle plus étrange encore si on note que, après avoir atteint le point le plus bas de son « plongeon », l’animal paraît commencer à « émerger de nouveau », comme trainé par la force de poussée d’un liquide dans lequel il est immergé, et non pas par ses jambes (ici vient à l’esprit le Dieu biblique quand il sépare les eaux au-dessus de la Terre de celles au-dessous : ces eaux sont peut-être une métaphore de l’espace cosmique au-dessus et au-dessous du plan de l’écliptique, et donc le rhino de Chauvet pourrait être une entité céleste flottant dans les eaux au-dessus de la Terre , tout comme le dieu du soleil des anciens Égyptiens, représenté pendant qu’il traverse le ciel dans un bateau : c’est-à-dire en flottant).
Pour augmenter l’étrangeté de la représentation, dans le second « photogramme » où il est représenté dans ce mouvement d’ « émersion », l’animal se tourne du côté opposé, comme pour souligner de cette façon l’inversion de la direction de son mouvement. L’impression d’énigme, voire d’absurdité, émanant de cette peinture, commence à s’estomper seulement si nous regardons l’arc dessiné tant par les lions que par les rhinocéros. Cet arc est remarquablement proche de ceux environ 45°-47° d’oscillation apparente que les étoiles effectuent sur l’horizon dans la moitié d’un cycle de précession, c’est-à-dire en environ 13.000 ans
Ici il faut noter que Hans Georg Bandi, professeur émérite de l’ Université de Berne, dans son article « Un aperçu extraordinaire dans la grotte Chauvet », dit que les félins représentés dans la célèbre grotte de France ( qui sont tous des lions des cavernes , sauf un) sont 72 :Ceci c’est la durée mesurée en années solaires de ce qu’on appelle traditionnellement un Jour de précession, égal à 26 000 : 360 = 72,222. Compte tenu du contexte, on peut raisonnablement supposer que tout cela est quelque chose de plus que juste un cas, comme peut-être n’est pas un cas que les mammouths sont 66 (Le Nombre de la Bête est 666, et comme nous l’avons vu dans The Snefru Code part 3, l’importance scientifique et numérologique de ce nombre est énorme : pour donner un autre exemple, en plus de ces qui nous avons déjà vus, nous pouvons dire que la racine quatrième de 6,6 est très similaire à la constante de la charge électrique 1,6025… puisque 4√6,6 = 1,6028..) tout comme les parts dans lesquelles est divisé l’Ancien Testament ; ni est pas un cas que les chevaux soient juste 40 , ce qui est encore le nombre le plus important qui apparaît soit dans le Nouveau que dans l’Ancien Testament ( en 2Maccabées on lit : «Il n’était pas en difficulté ta main toute-puissante , qui avait créé le monde à partir d’une matière informe, de leur envoyer une multitude d’ours ou des lions féroces »).
Pour donner une idée de l’importance de ces observations, rappelons-nous aussi un épisode des évangiles apocryphes, raconté par le Pseudo-Matthieu (seconde part 31), dans lequel Jésus , en allant par un chemin qui de Jéricho va vers le Jourdain (un chemin sur lequel on dit que s’arrêtât l’Arche de l’Alliance), entre dans une grotte où une lionne alimente ses petits. Personne ne pouvait passer par ce chemin sans courir le risque d’être attaqué. Mais Jésus descend dans la grotte et joue avec les chiots et il est adoré par les adultes. Puis, accompagné par eux, sort à la lumière du jour.
Compte tenu de toutes les réminiscences biblique-numérologiques que nous trouvons dans la grotte de Chauvet, il est possible que le Pseudo-Matthieu conserve des traces d’un ancien culte astronomique. Donc les lions que Jésus dompte pourraient être précisément ces divinités stellaires que nous trouvons dans Chauvet.
Pour en revenir à notre sujet, à l’intérieur de la crypte, autour de laquelle se déplacent d’une façon tellement anormale ces figures de lion et de rhinocéros, on voit un cheval, dont le galop va dans le sens opposé à ce Minotaure qui – dans notre interprétation – représente le « fuseau » dessiné dans le ciel par le mouvement de l’axe polaire autour de celui de l’écliptique. Il peut être entrevu dans la photo panoramique de la fresque que nous avons vu ci-dessus, mais on peut le voir encore mieux dans la photo ci-dessous
Une hypothèse plausible du point de vue archéoastronomique est que ce cheval représente le soleil, qui parcourt chaque année le zodiaque dans la direction opposée à celle de la précession. Cette hypothèse est renforcée par le fait que dans cette même chapelle se trouve une peinture qui semble représenter le même cheval avec quatre types de pelage différents ; et il a été souligné à plusieurs reprises que chaque pelage pourrait être le symbole d’une différente saison de l’année. On peut voir cette peinture dans l’image ci-dessous.
Que le cheval peut être un symbole solaire et donc du cosmos qui meurt et renaît au rythme du soleil on le trouve confirmé aussi par l’un des plus anciens documents de sagesse dont la tradition orale nous a transmis le texte ; un document aux origines impénétrables. Dans les premiers versets des Upaniṣad nous lisons :
La tête du cheval sacrificiel est, en effet, l’aurore, son œil est le soleil, son souffle est le vent, sa gueule est le feu de Vaiśvānara, le corps du cheval sacrificiel est l’année. Son dos est le ciel, son ventre est l’atmosphère, son abdomen est la terre, les deux flancs sont les directions cardinales, les côtes sont les directions intermédiaires, les membres sont les saisons, les jointures sont les mois et les quinzaines, les jambes sont le jour et la nuit, les os sont les étoiles fixes et ses chairs sont les nuages. La nourriture à moitié digérée est le sable, ses veines sont les rivières, le foie et les poumons sont les montagnes, ses poils sont les herbes et les arbres. Sa moitié antérieure est le soleil levant, sa moitié postérieure le soleil couchant ; quand il ouvre sa bouche dardent les éclairs ; quand il secoue sa tête la tonnerre gronde : lorsqu’il urine, il pleut. Son propre nitrite, en effet, est la Voix.
Ces mots sont généralement datés tout au plus de quelques milliers d’années, mais il n’est pas dit que cette hypothèse correspond à une vérité historique. Nous sommes habitués à vivre dans un monde projeté vers l’avenir, où la conservation du passé est une sorte de passion pour la collection avec référence à des objets ou des pensées qui n’ont plus aucune vitalité (le mot « musée » dérive du grec μουσειον, « lieu sacré aux Muses » ; mais tout le monde sait que les musées sont exactement le contraire de cela, c’est-à-dire une sorte de cimetière des Muses). Mais, précisément à cause de l’enseignement occidental pour la collection historiciste, nous avons un peu partout des témoignages de civilisations millénaires, où le passé était considéré comme le lieu d’un Âge d’or perdu, où tout changement était perçu comme un signe de décadence et où la conservation de la tradition coïncidait avec la vie elle-même ; donc des civilisations complètement étrangères à l’idée de progrès, où le passé est continuellement dépassé par la projection vers un avenir qui dans la pensée a déjà dépassé le présent où pourtant l’on vit. Cela étant le cas, il n’est pas impossible que ces versets des Upaniṣad viennent de profondeurs de temps encore plus anciennes que celles témoignées par les peintures de Chauvet.
7.
En accord avec cette ligne d’interprétation, nous pourrions avancer l’hypothèse que la crypte avec le cheval qui court en le sens antihoraire, qui se trouve à l’Ouest, représente ce point cardinal non pas « objectivement », comme entité géographique conventionnelle et abstraite, mais mythiquement comme « porte » à travers laquelle le soleil (et le cosmos tout entier, selon l’interprétation des Upaniṣad du cheval en tant que symbole d’un univers en constante évolution cyclique), quand il se couche, entre dans le monde souterrain.
En particulier, le coucher du soleil en l’équinoxe d’automne aurait pu être vécu comme une sorte de mort annuelle d’un soleil divinisé, étant donné qu’à partir dès ce moment le temps où il apparaît à l’horizon commence à être inférieur à celui où il reste dessous de l’horizon (c’est-à-dire, mythologiquement, le monde souterrain). Ce changement dans l’équilibre entre le temps diurne et le temps nocturne aurait pu être interprété d’une manière religieuse, comme une victoire – pour ainsi dire – des forces des ténèbres sur celles de la lumière. Cette défaite cosmique du soleil aurait pu être considérée comme une mort de la divinité incarnée en lui, ou comme le commencement de cette agonie qui conduit au solstice d’hiver, un autre moment topique du cycle solaire, où on peut voir symboliquement à la fois la mort définitive du soleil et le commencement de sa résurrection (ou bien la mort du vieux soleil et la naissance du nouveau : même aujourd’hui on parle d’un an vieux qui meurt et d’un an nouveau qui naît). En fait, vers le moment du solstice d’hiver le point du lever du soleil – observé à l’œil nu – semble rester immobile pendant quelques jours, alors que jusqu’à ce moment-là il avançait vers le Sud. Et il est connu que ce moment de stase apparente par des nombreuses religions a été interprété comme une mort temporaire du soleil, la renaissance duquel est associée au moment où l’inversion de la direction de son point de lever commence à devenir perceptible.
En effet, après le solstice d’hiver, ce point commence à se déplacer vers le Nord, la hauteur maximum atteinte au cours de sa trajectoire grandit, alors que les jours commencent à s’allonger de plus en plus. L’inversion du cycle, qui par un grand nombre de cultures a été interprétée comme une voie de résurrection, se poursuit jusqu’au moment où en l’équinoxe de printemps la situation se rééquilibre et commence à se renverser. Depuis lors, comme peut-être diraient les hommes de Chauvet, le temps où le soleil « chevauche » à l’horizon commence à devenir plus grand de celui où il « chevauche » dans le monde souterrain, et la lumière prépare son triomphe cyclique qui se produit le jour du solstice d’été, lorsque le soleil se lève dans le point plus au Nord et la durée de la journée, ainsi que la hauteur qu’il atteint dans le ciel, sont maximum.
Suivant cette ligne d’interprétation, le coucher du soleil à l’équinoxe d’automne, en plus de représenter mythologiquement le moment où le soleil commence son agonie, serait aussi le point de référence que ces hommes ont pris pour mesurer le changement de position d’au moins un couple de constellations – qui pour le moment nous ne savons pas comment identifier – au cours du cycle de précession. Le bison qui « plonge » et après commence à « émerger de nouveau » devrait donc représenter la variation de la position dans laquelle certaines étoiles sont devenues visibles au moment où le soleil se couchait. Et, puisqu’il y a un demi-cercle complet de descente et un partiel de montée, le bison de Chauvet devrait représenter une période de temps d’environ 15.000 années.
La fresque de Chauvet, suivant cette ligne d’interprétation, serait donc comme une série de « photogrammes du ciel », vue et entendue comme un espace sacré, où les divinités à l’aspect animal, au cours de l’année solaire et dans les millénaires, oscillent et se déplacent en un cercle inverse : au cours du cycle de précession, les étoiles en arrière-plan oscillent en haut et en bas et se déplacent en sens antihoraire, de sorte qu’au coucher du soleil (comme à l’aube) de l’équinoxe d’automne (et aussi à celui de printemps), la constellation qui apparaît sur la crête lumineuse du soleil qui disparaît à l’horizon change environ tous les 2200 ans ; au contraire, pendant l’année, le soleil se déplace à travers le zodiaque en sens horaire, et le signe sur lequel il se lève change une fois par mois.
Sur le mur Est de la Chapelle des Lions et des Rhinocéros, environ deux mètres au-dessus du sol et en un point plutôt vers le Nord, il y a une sorte de terrasse, ce que nous avons montré dans la carte ci-dessus et que l’on appelle Belvedere. L’accès à cette espèce de terrasse est très difficile. Pourtant il existe des preuves que les anciens explorateurs l’ont atteinte maintes fois par un chemin qui demande beaucoup de compétence spéléologique. Puisque la terrasse est située à environ deux mètres de hauteur, à partir de là on peut contempler cette scène cosmique depuis une perspective surélevée, qui pourrait représenter le point de vue d’une divinité d’un certain genre. Il est fort probable que l’être humain qui est allé aussi loin que cela, probablement un prêtre, a voulu s’identifier avec cette divinité, qui pourtant on ne sait pas qui pourrait être. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que l’angle que le Belvedere forme avec l’ affleurement rocheux sur lequel est peint le Minotaure, semble assez proche de celui que la Terre parcourt de solstice en solstice par rapport à l’écliptique, soit au cours de chaque année solaire qu’au cours d’un demi-cycle de précession, lorsque le même point de l’orbite autour du soleil tourne de l’équinoxe de printemps dans l’équinoxe d’automne (ou du solstice d’ hiver dans le solstice d’été) . En raison de l’habitude des anciens de déifier les entités célestes, il est possible que le pôle de l’écliptique a été considéré comme un dieu. Peut-être le plus grand et important de tous, car il est celui qui est destiné à ne pas changer sa position pour toute l’éternité. Ce qui est certain, c’est que c’est très, très difficile de penser que le fait que nous trouvons ce même inclinaison typique dans de nombreuses œuvres célèbres de l’âge de pierre soit le fruit du hasard
Aussi dans The Snefru Code part 5 nous avons vu que des allusions à l’axe de l’écliptique sont éparpillées partout dans le néolithique. Sous une forme un peu énigmatique, se trouvent également dans un endroit où on l’attendait le moins, c’est-à-dire dans l’inclinaison du toit de la Chambre de la Reine, qui est précisément la section d’or de l’angle décrit par le pole terrestre entre solstice et solstice (23°,5 + 23°,5 = 47° : ɸ ≈ 29 °). Nous verrons comment ce détail architectonique de la Grande Pyramide sera précieux pour comprendre pleinement le sens de la Chapelle des Lions et des Rhinos de Chauvet
On retrouve ce même angle typique dans deux peintures célèbres et dans un non moins célèbre alignement d’édifices sacrés, œuvres qui ont été réalisées dans une époque relativement récente dans l’Ouest. Peut-être nous trouvons ici un indice que l’héritage hermétique de l’ancienne Egypte est quelque chose de complètement différent et beaucoup plus sérieux qu’un mythe littéraire parmi d’autres
Aussi dans The Snefru Code part 5 nous avons vu que des allusions à l’axe de l’écliptique sont éparpillées partout dans le néolithique. Sous une forme un peu énigmatique, se trouvent également dans un endroit où on l’attendait le moins, c’est-à-dire dans l’inclinaison du toit de la Chambre de la Reine, qui est précisément la section d’or de l’angle décrit par le pole terrestre entre solstice et solstice (23°,5 + 23°,5 = 47° : ɸ ≈ 29 °). Nous verrons comment ce détail architectonique de la Grande Pyramide sera précieux pour comprendre pleinement le sens de la Chapelle des Lions et des Rhinos de Chauvet
Cette réapparition de la divinité-constellation était considérée comme le moment où la sœur-épouse Isis – identifiée avec Sirius – commence à prendre soin de lui (Osiris-Orion) en lui redonnant la vie. En fait, la disparition d’Osiris-Orion de l’horizon pendant environ deux mois étai mythiquement interprétée comme une mort cyclique de la divinité, qui chaque année était tuée par son frère Seth – une divinité associée aux forces du Chaos – et, placée dans un cercueil, était jetée dans le Nil. Il est probable que alors Seth a été identifié avec le Taureau, puisque dans la période au cours de laquelle Orion a disparu cette constellation est restée au-dessus de l’horizon, comme on peut déduire aussi de l’image qu’on a vue ci-dessus. En fait, dans la pierre de Narmer il y a une scène, représentée sous un symbole clairement équinoxial (les deux serpents identiques qui sont placés vis-à-vis, tout comme les deux équinoxes opposés, formant un cercle qui pourrait être un symbole solaire), dans laquelle il semble que le Taureau piétine un ennemi, qui pourrait être précisément Osiris-Orion, qui au moment de l’équinoxe a une position clairement perdante par rapport au Taureau
Les quelques deux mois où Osiris-Orion disparaissait de l’horizon au lever héliaque étaient interprétés comme le temps où sa sœur Isis-Sirius était à sa recherche, et celui où il paraissait de nouveau comme le moment où son corps était retrouvé. À ce moment, par les soins de sa sœur, la divinité commençait à reprendre vie, une vie qui devenait de plus en plus intense et puissante avec chaque jour qui passait. Nous disons cela parce que le parcours annuel d’Osiris-Orion était fait de telle manière que si la constellation autour de l’équinoxe de printemps apparaissait plus ou moins en correspondance de l’Est complètement étendue, au contraire, en correspondance avec le lever héliaque au solstice d’été se montrait au Sud, pour ainsi dire, avec tout autre genre d’attitude.
Ceci est un fait qui peut être vu à partir des nombreuses images sacrées dans lesquelles le Pharaon, qui personnifie Osiris, est représenté debout et avec sa massue lors qu’il tue un ennemi. Peut-être cet ennemi peut être considéré comme ce Seth-Taureau qui l’avait tué, puisque Seth représentait ces forces du Chaos contre qui chaque année les dieux, l’homme et l’univers entier luttent pour pouvoir ressusciter et revenir à la vie après la mort symboliquement représentée par l’hiver. Dans l’image ci-dessous nous citons comme exemple la stèle de Snéfrou du Sinaï, mais, bien sûr, nous pourrions en prendre d’innombrables d’autres. L’association esthétique, pour ne pas dire la claire ressemblance entre le geste du Pharaon et celui du Christ de la Chapelle Sixtine nous donne une nouvelle matière à réflexion quant à la possible dérivation d’une grande partie de notre art sacré de l’Égypte ancienne, au moins au niveau formel. Lève la main celui qui ne reconnaît pas dans la représentation de la maternité de Isis un archétype des innombrables représentations de la maternité de Marie
La date où Osiris-Orion au solstice d’été se présentait dans cette position – c’est-à-dire à la hauteur maximum du ciel à partir d’un point d’observation comme Nabta Playa – est fixée par Brophy autour de 4900 av. J. C. Il est à noter que près de 13.000 ans avant la divinité-constellation, en ce même moment du cycle solaire, paraissait dans une position différente, c’est-à-dire tournée plus ou moins de 45°-47°, dont nous avons vu ci-dessus tourner aussi bien le rhinocéros que le lion de Chauvet. Tout à fait remarquable est également le fait que la disposition des pierres, quoi à l’intérieur du Cercle représentent la Ceinture d’Orion quand il est au maximum, et de celles qui en représentent les Épaules quand il est au minimum, fait en sorte que l’ampleur de la représentation croît et décroît avec l’augmentation et la diminution de sa hauteur sur l’horizon. On peut voir clairement cette situation dans l’image ci-dessous, où la même constellation est représentée en ces moments opposés comme un géant à son maximum et presque comme un nain à son minimum
Il n’aura échappé à personne que même le rhinocéros de Chauvet au fur et à mesure qu’il baisse en hauteur, en quelque sorte diminue, même si non pas d’une façon globale : ce sont les dimensions de sa corne qui diminuent, corne qui, quand il arrive au minimum de la rotation, disparaît même avec la tête. C’est un peu la même chose qui arrive au lion. Dans les « photogrammes » ci-dessous nous voyons que seulement est ébauché le profil du dos et puis, quand apparaît la tête, son expression est timide et il tient les oreilles baissées. Au contraire, le profil plus en haut le représente avec les oreilles dans une position naturelle, et l’expression semble devenir agressive, presque féroce. Il ne s’agit plus d’une expression craintive et soumise comme dans les « photogrammes » où cette constellation encore inconnue est représentée dans un point plus bas du ciel
Maintenant, si nous passons de Chauvet à Gizeh, il semble tout à fait clair que la structure mythico-astronomique représentée par la Chambre de la Reine a une relation assez étroite avec celle de la Chapelle des Lions et des Rhinocéros, et même très étroite avec celle représentée à Nabta Playa. Sur le mur Est il y a en effet une mystérieuse crypte, qui devrait donc avoir un sens opposé à celle de Chauvet, qui se trouve à l’Ouest. Nous pouvons la voir dans l’image ci-dessous
Alors que à Chauvet le cheval représenté dans la crypte devrait être le soleil qui, après le coucher de l’équinoxe d’automne commence à « chevaucher » dans le monde souterrain, la crypte de la Chambre de la Reine, au contraire, devrait représenter la porte par laquelle Osiris-Orion (et donc aussi son fils, le Soleil-Horus) « ré-émerge à l’horizon » plus ou moins en correspondance avec le lever héliaque à l’équinoxe de printemps. Ou bien, puisque Seth avait jeté le cadavre de son frère dans le Nil fermé dans un sarcophage, on peut imaginer que la crypte de la Chambre de la Reine représente le point du lever du soleil à l’équinoxe de printemps (c’est-à-dire l’Est) comme le sarcophage où Isis retrouve le cadavre de son frère-mari (en effet, la crypte de la Chambre de la Reine a une forme qui pourrait rappeler celle d’un sarcophage). Cette interprétation est renforcée par l’origine du nom du dieu grec de la mort et de la résurrection, Dionysos. Hérodote nous dit que le culte phallique de cette divinité est venu aux Grecs depuis l’Égypte. Giovanni Semerano reconstruit l’origine du nom grec de cette façon :
« La première composante, mycénien diwo-, Διο- etc. est calquée sur l’akkadien di’u dans le sens de sanctuaire, sancta sanctorum, crypte, cellule, qui évidemment prend le sens de divinité, de dieu qui y vit ; (…) Pour la deuxième composante – νυσοϛ – il est à noter que, avec intuition, Nisa, où le dieu nouveau-né avait été confié aux nymphes par Hermès, a toujours été conçu comme un lieu de fabuleuse fertilité, riche en forêts, en sources et en frais ruisseaux. Et tout cela dit le nom Nymphe, qui correspond à l’akkadien nusha, nushu (fertilité, abondance) ».
Giovanni Semerano, Le origini della cultura europea, vol. I, pp. 202-203.
Une traduction possible du nom “Dionysos” pourrait donc être : « crypte de la fertilité ». Et cette direction qui a été placée dans le mur à l’Est de la Chambre de la Reine pourrait bien être la direction du lever héliaque à l’équinoxe de printemps (c’est-à-dire l’Est) en tant que « crypte de la fertilité » ou de la renaissance, puisque la renaissance de Osiris-Orion était entendue comme un retour à la vie et de la vie. Il faut noter que le nom du célèbre dieu grec commence avec un Δ, qui est la quatrième lettre de l’alphabet grec, qui correspond à notre «D». Or, l’alphabet grec dérive de l’alphabet des Phéniciens, un peuple qui , pour des évidentes raisons géographiques, eu des contacts avec les Israélites. Dans l’ancien alphabet phénicien , comme nous le voyons dans le schéma ci-dessous, la quatrième lettre a le sens de “porte” (door), tout comme dans l’alphabet hébreu
Mais , comme on le sait, dans l’ancienne langue hébraïque la lettre correspondante à notre «D» – Daleth – a aussi une signification numérique, qui est le 4. Or, si le nombre 4 est associé aussi à la signification de «porte» on peut imaginer que cette lettre – l’équivalent hébraïque du Δ grec – se réfère aux quatre points cardinaux , compris précisément comme portes. Par exemple, l’Orient peut avoir été conçu comme la porte de la fertilité, la porte d’où la vie revient triomphante avec le Soleil, le Nord comme la porte de l’éternité, car y se trouvent les étoiles qui ne se couchent jamais, l’Occident comme la porte des enfers , parce que c’est là que les corps célestes vont se coucher. À Gizeh, le Sud aurait pu être conçu comme la porte du temps, parce que de ce point d’observation on peut voir que Orion – ou cours des millénaires – monte et descend à l’horizon.
Ainsi, alors que les prêtres-astronomes de l’Ancienne Égypte étaient intéressés aussi à Gizeh qu’à Nabta Playa pour fixer le moment de la renaissance du Soleil-Horus et de Osiris-Orion, dans la End Chamber leurs ancêtres s’étaient préoccupés de fixer ce qui se passait au moment opposé du cycle solaire, au coucher de l’équinoxe d’automne.
Mais il y a aussi une autre différence radicale dans la pensée astronomique-religieuse qui semble se manifester entre les hommes qui ont peint la Chapelle des Lions et des Rhinocéros à Chauvet et ceux qui à Gizeh ont construit la Grande Pyramide et à son intérieur la Chambre de la Reine. En fait, les hommes de Chauvet n’ont pas construit un espace architectural (et donc artificiel) pour représenter par lui le ciel et y peindre l’image de leurs divinités stellaires. Au lieu de cela, ils se sont lancés dans une exploration très risquée de cavernes comme celle de Chauvet pour trouver un milieu dont la structure – sans aucun besoin d’intervention humaine – pouvait se présenter naturellement et spontanément comme un symbole de la structure du monde céleste. Si la devise des anciens Égyptiens était « ainsi au ciel ainsi sur terre », celle des hommes de Chauvet dut être « ainsi dans le monde céleste ainsi dans le monde souterrain ».
En fait, une chapelle comme celle de Chauvet nous montre que le but de l’exploration des cavernes semble précisément celui de chercher dans le monde souterrain une image de ce monde céleste qu’ils pouvaient contempler pendant qu’ils habitaient sur terre. En ce sens, l’événement humain et religieux de Chauvet semble remarquablement similaire à celui d’Altamira et probablement est commun à tout le Paléolithique. En effet, à Altamira, tout comme à Chauvet, la célèbre image d’un bison qui semble s’enrouler sur lui-même (d’une manière différente et pourtant très similaire au Minotaure de la End Chamber) n’a pas été dessinée dans un point quelconque, mais plutôt sur une protubérance de roc qui suggérait cette forme qui ensuite en fait a été peinte, comme l’on peut bien voir dans les images ci-dessous. Encore une fois, nous constatons que cette forme semble être une image du mouvement de précession.
Le bison qui s’enroule sur lui-même, tout comme le Minotaure de Chauvet, semble une image du ciel du Nord qui tourne autour d’un point qui est à l’intérieur du cercle tracé par la précession, où se trouvent les trois étoiles polaires. Cette hypothèse, apparemment très risquée, est justifiée par le fait que, comme le montre le dessin ci-dessus à gauche, si nous plaçons le profil de cet étrange bison sur le ciel du Nord, nous voyons que cela coïncide avec plus de vingt étoiles. Par conséquent, il semble une carte du ciel en un certain moment du cycle de précession dessinée de telle manière que mythe et astronomie coïncident parfaitement.
10.
Entre autres choses, il pourrait être un fait très important que la constellation du Dragon par les hommes d’Altamira a été imaginée comme un bison – c’est-à-dire comme un animal avec des cornes – aussi parce que cela semble créer un lien entre ce que nous pourrions appeler leur imagination gestaltique et celle d’hommes qui ont vécu plusieurs millénaires plus tard, même ceux du temps présent, étant donné que le Dragon est encore représenté avec des cornes. Cela nous rappelle que même la tête du Minotaure qui s’enroule sur la stalactite de Chauvet est un être cornu. Par conséquent, il est probable que lui aussi représente la constellation du Dragon, qui le long des millénaires s’enroule sans cesse sur elle-même.
Si une chose comme celle-ci peut paraître absurde du point de vue de l’homme moderne, peut-être elle n’éveillerait pas beaucoup de stupeur dans l’homme du Paléolithique, même si entre Chauvet et Altamira il y a plus de 15.000 ans d’intervalle. Le fait est que, très probablement, ici nous parlons de cultures où la tradition et le passé sont évalués au plus haut degré et qui donc pensent d’une façon diamétralement opposée à notre époque quant au sens du temps.
Pour donner un exemple qui est encore proche de nous, on pense comment les Dongo ont été capables de préserver pendant des milliers d’années des traits profonds de l’écriture et de la religion stellaire de l’Ancienne Égypte ; le ciel et ses cycles sont tellement importants pour eux qu’ils sont allés vivre dans une zone aride de l’Afrique, où la vie est particulièrement difficile, seulement parce que depuis là certaines observations astronomiques sont plus faciles (pour autant que nous sachions de l’antiquité préhistorique, il n’est pas exclu que la migration d’Abraham vers Canaan ait été motivée par la poursuite, disons, d’une certaine figure du ciel – qui sera ensuite appelée « la Jérusalem céleste » – qui à Babylone peut-être était impossible d’observer ou bien qu’on avait perdu avec le changement du ciel pendant les millénaires). Dans une culture comme la nôtre, où le temps est pensé comme progrès, tant le passé que le présent sont radicalement dévalués par rapport au futur. Mais dans des cultures où dans le passé on place un Âge d’Or, et donc une perfection perdue, tant le présent que le futur sont dévalués par rapport au passé, qui, par conséquent, est conservé en vie avec la même passion avec laquelle nous l’enterrons dans les musées (ou bien on en fait marché de diverses manières en lui donnant une vie artificielle à travers son insertion dans une tourbillonnante chiffre d’affaires à base d’argent et de produit intérieur brut, ce qui semble être le seul symbole qui peut affecter profondément l’Occident moderne). Il est évident que pour une culture comme celle de l’Ancienne Égypte (et probablement aussi pour celles de Chauvet et Altamira, comme pour tout le Paléolithique) la conservation de la tradition était le but même de la vie, comme le constant changement est pour la nôtre : pour ces personnes dix mille ans d’immobilité culturelle étaient dix mille ans de vie, comme pour nous dix minutes sans un journal télévisé annonçant quelques nouvelles choquantes sont dix minutes de mort.
Comme une deuxième idée de réflexion on peut ajouter qu’il est difficile de ne pas remarquer que la « tête » de la constellation du Dragon est assez similaire à celle de la constellation qui dans les temps suivants a été identifiée avec le Taureau. C’est un fait qui semble faire allusion à une commune propension de l’imagination gestaltique des êtres humains et donc qui pourrait être un symptôme que des caractéristiques similaires de différentes constellations étaient interprétées de la même manière (dans ce cas, la ressemblance entre les deux « têtes » a donné lieu à l’image de deux êtres cornus).
La ressemblance entre les deux « têtes » a peut-être poussé les êtres humains à associer d’une manière intime deux constellations qui ont une position très différente dans le ciel et donc aussi des événements de précession différents. En fait, le Dragon est une constellation qui, puisqu’elle se trouve à l’extrême Nord du ciel, tourne sur elle-même et ne change jamais grand-chose de sa position et de sa hauteur par rapport aux autres constellations. Ses étoiles sont donc toutes « immortelles » : celle-ci est la manière dont les anciens Égyptiens appelaient les étoiles qui ne se couchent jamais. Au lieu de cela – par exemple, d’un point d’observation comme Nabta Playa – le Taureau est destiné à être au-dessus ou au-dessous d’Orion, et donc à triompher ou à mourir symboliquement dans la lutte avec la constellation rivale à niveau de précession. Il n’est donc pas impossible que la longue tradition iconographique et religieuse qui a vu dans le Dragon un bison, c’est-à-dire une figure similaire à celle d’un taureau, ait eu un écho dans la pensé théologico-astronomique de l’Ancienne Égypte et ait poussé ses prêtres-astronomes à voir en ce qui pour nous est le Grand Charriot – une constellation qui se trouve à proximité du Dragon – une figure qu’ils appelaient la Cuisse du Taureau, qui devait avoir une grande importance sur le plan religieux.
En effet, les anciens Égyptiens avaient la coutume de sacrifier les taureaux après qu’ils les avaient privés de la patte antérieure gauche ; et il paraît clair que cette façon de procéder semble faire allusion à une castration du Taureau en tant que constellation divinisée (donc la Cuisse du Taureau pourrait être le symbole stellaire des testicules que Seth a perdu dans son combat avec Horus). Au moment où dans le ciel de la Douât Orion tuait le Taureau (c’est-à-dire le dominait à l’horizon) sa Cuisse aussi était frappée, c’est-à-dire aussi la divinité-constellation du Nord, qui peut-être était vue comme son alter ego immortel (et donc un alter ego de Seth). C’est ce qui peut être déduit du zodiaque de Semnut, où une divinité avec une tête de faucon (probablement très proche de Orion – Horus , et peut-être associée à la constellation du Cygne, comme dans la mythologie celtique Lohengrin, le fils de Perceval, qui voyage sur un bateau tiré par un cygne) semble frapper avec sa lance la Cuisse du Taureau, qui pourtant, comme cela a été dit, est situé dans le ciel du Nord (et il faut noter comme l’inclinaison de la lance brandie par Osiris-Orion par rapport à la verticale du dessin est plus ou moins celle de l’axe polaire de la terre par rapport à celle de l’écliptique) et donc en théorie il ne devrait avoir rien à voir avec Osiris-Orion.
Cet ancien zodiac nous donne aussi l’occasion de comprendre le sens de ce fameux mythe celtique dont nous venons de parler, qui est devenu très important dans l’Occident moderne : nous parlons du mythe du Roi Pêcheur. Comme on le sait, lorsque Perceval arrive au Château sur le Lac (et ici le mot «lac» ne doit pas être compris comme référé à un lac situé ici ou là sur la terre, mais à l’écliptique au-delà des 12 constellations du zodiaque) apprend que le Roi Pécheur, maître du Château, souffre à cause d’une blessure à la cuisse qui ne peut pas être guérie, et c’était la blessure infligée par une lance. Comment ne pas voir dans le mythe celtique une version un peu différente du mythe stellaire de l’ancienne Égypte ? Pouvons-nous avoir des doutes sur le fait que le château du Roi Pécheur n’est rien que la sphère cosmique qui se trouve dans les 12 constellations du zodiaque, c’est-à-dire la Terre et le système solaire ?
Dans le monde entier sont éparpillés des mythes qui racontent de dieux – souvent sous forme d’un serpent – qui plongent dans un lac, dont la version la plus célèbre dans l’Ouest est certainement celle du « monstre du Loch Ness » : ici, il semble clair que ces divinités ne sont que des corps célestes qui s’enfoncent sous la surface d’un «lac », qui est la mythification (dans le sens d’une représentation figurée) du plan de l’écliptique.
11.
Tout cet ensemble de considérations nous amène à penser que l’astronomie comme élément essentiel de la théologie est une forme de pensée très ancienne, qui a commencé depuis un nombre indéterminé de dizaines de milliers d’années et a continué plus ou moins sans interruption jusqu’à l’avènement de la culture païenne, qui a radicalement humanisé les divinités stellaires. La culture de la Grèce classique semble en effet un moment où cette tradition religieuse est abandonnée et vite oubliée. La nécessité d’affirmer des divinités proches, terrestres et humaines, est si forte qu’elle arrive au point que dans l’ère de Périclès les observatoires astronomiques sont même interdits. L’ici et maintenant, l’éternel présent et l’espace « proche » de la vision païenne du monde n’arrive pas à tolérer, même pour des raisons purement scientifiques, une tradition d’observation du ciel, qui, évidemment, à l’origine était liée essentiellement à exigences de type religieux.
À l’issue de cette recherche, nous constatons que, si nous suivons le fil conducteur de l’archéoastronomie, l’une des énigmes inquiétantes qui pèsent sur les héritages iconographiques qui nous viennent du Paléolithique se résout presque par lui-même. Les hommes de Chauvet et d’Altamira montrent un art pictural dans certains cas tellement merveilleux qu’il se rend absolument nécessaire l’hypothèse que dans ces cultures la peinture était une institution avec des écoles, des enseignants, des étudiants et tout ce qui concerne une tradition d’art sacré aussi sérieux que l’art chrétien ou bouddhiste. C’est pourquoi ils ne se sont pas aventurés dans les entrailles de la terre pour y dessiner plus ou moins au hasard des formes d’animaux plus ou moins insignifiants. Ces personnes faisaient partie d’une caste de prêtres-astronomes qui sont descendus sous terre à la recherche de cryptes où l’on pouvait re-connaître de façon gestaltique une image du ciel. La tâche qu’ils se donnaient était celle de poursuivre l’œuvre divine traçant dans ces cavernes les signes par lesquels cette image était rendue humainement intelligible, et puis changée avec le changement du ciel au fil des millénaires. Si nous allons aux Trois Frères nous trouvons une fresque qui jusqu’à présent semblait complètement énigmatique, car elle est composée de figures qui se superposent l’une sur l’autre d’une manière apparemment chaotique
Mais si nous interprétons cette image d’une manière astronomique, alors nous pouvons voir en elle l’enregistrement des changements d’une zone du ciel, où au cours des millénaires diverses constellations, c’est-à-dire diverses divinités stellaires, occupent la place qui avait été autrefois celle d’une autre.
Le but théologique de cette exploration dans les profondeurs de la terre semble celui d’une recherche de ce que nous pourrions appeler « la vie après la mort » et que ces gens appelaient « la vie après le coucher du soleil » ou « le monde au-delà de l’Ouest », qui peut-être était imaginé comme le lieu où était gardé le secret de l’éternité, comprise comme un retour sans fin du cycle de la vie. Si le monde sous la terre, où chaque jour s’évanouit le soleil, contient une image, presque un moule (ou un « projet »), du monde céleste, alors ce monde souterrain est celui dans lequel se prépare – chaque année solaire et de précession – l’aube de la régénération de l’univers et de l’homme qui l’habite. Il n’est donc pas à être considéré comme le lieu où les choses sont anéanties, mais celui où elles se régénèrent et ainsi se préparent pour leur éternel retour.
Notre recherche sur Chauvet nous donne aussi l’occasion de clarifier la signification des reliefs trouvés dans un site comme Gobekli Tepe. Dans Gobekli Tepe nous trouvons des panneaux en série, représentant des animaux avec des caractéristiques très similaires à celles de Chauvet et d’autres grottes paléolithiques ; en particulier, les animaux semblent flotter dans une sorte de liquide plutôt que de rester debout sur le sol (étrange que cela puisse paraitre, c’est le même sentiment que l’on peut ressentir dans la contemplation de la plupart des figures du Jugement Dernier de Michelangelo Buonarroti, qui, avec leur élan vers le haut aussi que vers le bas apparaissent comme une lointaine dérivation de l’observation de l’oscillation de précession des corps célestes, ou de leur apparition/disparition à l’horizon, interprétée comme la surface d’un lac, ou comme une entrée ou sortie du monde souterrain).
De ce que nous avons vu , il semble clair que ces panneaux en forme de ” T ” ne sont rien qu’une représentation mythologique de scènes célestes à des moments cruciaux de l’année (comme le lever héliaque à l’équinoxe de printemps ou le coucher du soleil à celui d’automne ou aux deux solstices opposées) que pendant le cycle de précession changent lentement mais inexorablement . Nous pouvons les voir dans les images ci-dessous
En Chauvet nous constatons que l’on a construit une séquence similaire, mais en s’appuyant sur la configuration naturelle de la grotte . Si nous mettons les deux structures à côté, nous sommes en mesure de réaliser assez facilement tant les différences que les similitudes
Il est possible que l’on a choisi la forme de “T” pour ces panneaux parce que le pylône qui sert de support représente probablement l’axe de l’écliptique, que dans les visions mythique de l’antiquité a été maintes fois représenté sous la forme du pylône ou de la colonne qui supporte le ciel. Nous trouvons cette forme aussi dans l’Amérique Précolombienne
Peut-être que dans ce contexte, il est utile de rappeler que l’axe de l’écliptique a été souvent imaginé dans l’Antiquité comme un arbre, et que la Croix du Christ était à son tour très souvent comparée à un Arbre. Donc, l’héritage de la religion astronomique n’a pas été complètement effacé par l’avènement du christianisme. En effet, nous pouvons voir dans la série de panneaux en forme de « T » de Gobekli Tepe une série de croix en forme de «T» , celles que jusqu’à présent sont répandues parmi les chrétiens et couramment portées par ceux qui préfèrent le style franciscain. Compte tenu de ces considérations , nous pouvons supposer que les deux arbres sacrés en Éden dont on parle dans la Genèse – l’Arbre de la Vie et l’ Arbre de la Connaissance – pourraient être l’axe de l’écliptique et celui de la Terre sacralisés . L’Arbre de la Vie pourrait être l’axe de l’écliptique, car avec son immobilité perpétuelle se prête bien à symboliser la vie éternelle. Par contre, l’axe polaire de la Terre pourrait être l’Arbre de la Connaissance, parce que, de ce que nous pouvons savoir, l’astronomie a été à la base des connaissances scientifiques non seulement dans l’époque moderne (comme on le sait, la théorie de la gravitation de Newton était à la base de tous les développements de notre science), mais aussi dans le lointain passé de l’humanité , si nous suivons la doctrine de Platon dans le Timée et l’évidence d’un intérêt pour les événements célestes qui traverse toute l’histoire de l’humanité ( comme nous le verrons dans un travail qui va suivre, même la culture de Neandertal s’est certainement intéressée à l’astronomie, au moins des cycles lunaires). Le pôle de l’écliptique et le pôle terrestre ont été souvent imaginés comme des tourbillons marins, ou maelströms. Mais, après le péché originel, voilà que Dieu a mis deux anges avec des épées de feu tourbillonnant en devant les portes d’Éden, pour que Adam et Ève ne puissent y rentrer jamais. Dans ce cas , on peut imaginer que les cycles cosmiques reliés à l’axe de rotation de l’écliptique et de la Terre ont subi un changement symbolique. Après le péché (avoir mangé du fruit de l’Arbre de la Connaissance) , ils ne représentent plus la condition divine, mais plutôt la punition de l’homme pour avoir aspiré à la condition divine . À partir de ce moment , ils semblent représenter le passage du temps, et donc aussi la punition d’Adam et Ève à être obligés dans l’histoire à travailler à la sueur du visage et à enfanter péniblement des fils, pour toujours exclus de la paix éternelle qui est connexe avec l’immobilité divine, représentée par le pôle de l’écliptique, autour duquel tous les cieux se déplacent et tous les cycles commencent et se terminent.
ANNEXE 1: UN EXEMPLE D’INTERPRÉTATION ARQUÈOASTRONOMIQUE DES SOI-DISANT « DESSINS ABSTRAITS » DES GROTTES PALÉOLITHIQUES
L’habilité des peintres qui, il y a des milliers d’années, se sont aventurés dans les profondeurs de la terre pour les décorer avec des œuvres qui défient – en leur réalisation technique et en leur puissance stylistique – les chefs-d’œuvre de la modernité, est certainement très bien connue. Cependant, on ne peut affirmer la même chose quant à l’explication de la signification de ces mêmes dessins. Il y a ceux qui les échangent pour griffonnages tracés par des personnes en proie à l’extase – qui essayaient de reproduire les images entoptiques dont à ce moment ils étaient possédés ; d’autres les interprètent comme des griffonnages de sauvages, ébahis comme des enfants vis-à-vis du fait que – tenant en main un charbon – au geste éphémère de la main pouvait correspondre la fixité du signe. Notre idée est complètement différente. Mais, avant de l’exposée, il est bien de regarder les figures qui nous intéressent
L’hypothèse que nous essayons de démontrer dans ce court article c’est que ces dessins que l’on a interprétés comme « dessins abstraits » sont en réalité des codes à barres, où l’on a voulu représenter des cycles cosmiques au moyen de diagrammes calendriers. Une discussion totale de ce problème prendrait trop d’espace et donc, par souci de concision, nous allons parler uniquement de ce dessin que nous avons mis en évidence avec un cercle rouge, qui semble un système mixte solaire-lunaire et qu’on peut voir encore dans l’image ci-dessous
Nous allons compter les barres de la première bande et des deux dernières incluant dans le compte aussi les extrêmes du symbole. En fait, nous supposons que dans ces bandes on a fait un compte lunaire : il semble alors logiquement significatif d’y inclure aussi les extrêmes du système, parce que la lune se lève et se couche dans les points extrêmes qui se trouvent plus au nord et plus au sud que les deux solstices, de sorte que le cycle lunaire semble contenir en lui le cycle solaire. Donc, considérant ce système de compte comme une sorte d’image de l’horizon astronomique et considérant la trajectoire lunaire presque comme une « parenthèse vivante » qui comprend en soi les points du lever du soleil, on arrivera à compter 27 barres : et le cycle des levers et des couchers de la lune du nord au sud est précisément de 27,2 jours.
Par contre, la bande inférieure compte 29 barres et le cycle des phases lunaires dure 29,5 jours. Dans la partie centrale de cette complexe structure mathématique il y a, au contraire, 24 barres – beaucoup plus longues que les autres et plutôt inclinées – dont 17 vont de gauche à droite et 7 de droite à gauche. Ces 24 barres semblent représenter les 24 mois de deux années solaires, qui peuvent être mesurées avec 24 mois solaires plus ou moins « normaux » ou avec 24,75 mois lunaires de 29,5 jours chacun.
Et nos lointains ancêtres doivent avoir mis en rapport l’année solaire avec l’année lunaire précisément de cette façon ou d’une manière similaire, étant donné que dans la bande incomplète, qui semble rester en dehors du système, il y a 18 barres, qui deviennent 20 si l’on inclut dans le compte aussi ces deux traits qui unissent la bande au reste du système. Ces 20 barres pourraient représenter précisément ce 0,75% du mois lunaire qui manque au cycle lunaire pour être en un accord plus ou moins « parfait » avec le cycle solaire (en fait, même de cette manière reste une erreur d’environ deux jours, étant donné que 29,5 x 0,75 = 22,125).
Si l’on observe les 24 barres centrales, longues et inclinées, on note que la dernière, c’est-à-dire la septième de la droite, en connexion avec la sixième de la gauche, forme une sorte de « flèche », qui semble « pointer » vers la huitième barre de la bande supérieure, celle où, dans notre hypothèse, on compte la durée du cycle des levers et des couchers de la lune et, fait intéressant, lorsque le cycle des deux années solaires termine, le cycle des levers et des couchers d la lune a passé plus ou moins pour l’80%. Plus précisément, après deux années solaires, il est arrivé à 26 cycles entiers qui sont 27,2 x 26 = 707,2 jours, auxquels manquent encore 22,8 jours pour s’accorder avec le compte des deux années solaires. Dans un cycle de levers et de couchers de la lune 22,8 jours sont égaux à 22,8 : 27,2 = 0,8382, ce qui est plus ou moins égal à ce pourcentage qui semble indiqué par la « flèche » que le système des barres inclinées paraît former au moment où va se terminer.
Ainsi, sur les parois d’Altamira nous ne trouvons pas la peinture de « signes abstraits », mais des systèmes calendriers qu’on a cru des « signes abstraits » en raison de l’absence évidente de familiarité avec l’appareil symbolique des mathématiques d’il y a plusieurs millénaires. La même chose vaut pour la façon inhabituelle pour nous avec laquelle les Anciens Égyptiens utilisaient la haute géométrie pour dessiner leurs stèles, que nous avons mal comprise comme une ébauche d’art figuratif.
En conclusion de l’article sur la Chapelle des Rhinocéros et des Lions de Chauvet nous avons vu que dans les cultures nordiques d’époque préchrétienne (mais, nous ajoutons ici, même dans des nombreuses cultures à travers le monde) le pôle de l’écliptique a été interprété comme un arbre, mais que dans d’autres cultures a été considéré comme une croix. Si nous regardons l’image ci-dessous nous ne pouvons faire qu’interpréter ce « dessin abstrait » qui se trouve à Chauvet que comme une représentation très ancienne de l’écliptique
ANNEXE 2: EN COMMENÇANT PAR MOI-MÊME
1.
EN REGARDANT AU-DEHORS
Une galère.
Ou non,
non…
…non…
Non pas une galère,
non…
Au contraire
une sorte de cercle
au même temps maudit et magique,
fait de désert indéchiffrable
et d’horizon vide.
Oui,
peut-être il est juste
ainsi…
Dunes toutes différentes
et toutes égales
sur le chambranle grisâtre
de la sable interminable
Et puis,
…puis…
Oui!
Puis encore dunes,
dunes et nuages :
nuages tous différents et tous égaux
sous le plafond labile et éblouissant
du bleuté sans fond.
Un abîme dans lequel,
comme il arrive de tout,
rien de rien
ne va jamais arriver.
C’est de cette manière
que mon âme
se rassemble à tes paysages.
Si je ne t’aurais pas perdu ailleurs
je t’aurais perdu ici,
dans mon esprit,
dans ce labyrinthe de poussière
dans cet aveugle infini brouillant et blême
où tout est perdu
depuis toujours
en commençant par moi-même.
2.
CAUSES ET EFFETS
Notre vie :
être dans le fond le plus fond
d’un gouffre de coïncidences
aucune desquelles
nous appartient.
T’avoir connue,
par exemple.
Pour première chose :
une photo de toi que j’ai vu par chance
sur un hebdomadaire trouvé par chance
dans un train que j’ai pris par chance.
Un hebdomadaire quelconque
que j’ai commencé a lire
pour me relaxer du nient
qu’en août l’on fait
pendant les vacances.
Une photo en blanc et noir
dans laquelle ton visage pouvait sembler
le même qu’un autre,
comme il apparaît pris par un profil si glissant
qu’il précipitait presque totalement
dans le fond obscur de la perspective.
Ainsi :
sentir dans cette image anonyme
ta voix qu’avec la douceur
de celui qui sait qui sera obéi
me disait simplement : viens !
Puis :
te rejoindre en savant qu’enfin
je ne t’aurais jamais rejointe.
Encore :
te voir dans cette salle
remplie de miroirs
comme dans le désert
l’on voit un mirage.
Encore :
accueillir dans les rêves
ton message obscur ,
qui déchirait le sommeil avec l’insomnie
tout d’abord,
et puis le réveil,
et puis la veille,
et puis le monde entier et tout le temps
avec le néant de l’angoisse la plus pure
à me ravager
jusqu’à qu’il n’y avait plus ni monde,
ni temps
et plus une seule chose
à nier.
La mémoire envahie
par souvenirs
qui ne m’appartenaient pas.
La folie et la mort
dans chaque coin,
dans chaque grain de poussière.
Encore :
respirer dans chaque instant
l’aire vitreuse
à la fois glacée et suffocante
de la terreur.
Arriver finalement au centre et:
voir…
Voir, oui : voir!
Voir…
Voir : et ainsi s’enfoncer dans un savoir
fait de lumières similaires aux ténèbres
et de ténèbres similaire à la lumière.
Un savoir fait d’inouïe souffrance,
d’agonie de croix, de lance dans le flanc,
de vinaigre, sang et eau,
d’un Dieu qui m’avait abandonné
seulement parce que je pouvait enfin ressusciter
des enfers à ces vivants auxquels pourtant
je devrai taire pour toute ma vie
mon secret.
Donc je tairai.
Mais ça ne va pas se passer
par loyauté à un mandat
ou parce que je crois que le monde
est indigne de le connaitre,
ou incapable de le comprendre :
et ni même parce que quelqu’un
obscurément m’oblige.
Ni même je vais me taire par humilité,
ou parce que je crois
qu’un tel secret doit,
pour raisons elles-mêmes secrètes,
rester un secret :
non, c’est rien de tout cela.
Mon secret va à rester secret
parce qu’il n’y a pas aucun mot
d’aucun langage humain
qui serait capable de le révéler :
l’ébaucher avec cette bégayement de poème
a été une manière quelconque
pour le cacher à tout le monde
en commençant par moi-même.